LemonBook : En lutte de Fabien Toulmé

L’histoire commence avec notre auteur qui se rend à Beyrouth. Initialement pour un salon du livre et de la BD et il s’avère que ce dit-salon a été annulé à la dernière minute. Pour une excellente raison : la Thawra, une révolution qui a eu lieu au Liban en 2019. Fabien Toulmé s’y rend donc tout de même et décide de vivre une partie de ce moment historique (?) pour le pays et de le documenter à travers des témoignages d’individus, acteur ou spectateur de la révolution. Ces observations au Liban soulèvent énormément de questions en lui : qu’est ce qui pousse les gens à entrer en lutte? Quels sont les points communs entre les luttes à travers le monde? Quelle leçon peut-on en tirer même en cas d’échec?

Nous le suivons ainsi pendant les 330 pages de cette BD, essayant de répondre à un questionnement global par l’étude de parcours et de situations spécifiques, du Liban avec la Thawra, au Benin avec Chanceline et son combat féministe en passant par le Brésil avec la communauté du Porto de Capim. Ces luttes n’ont pas le même déclencheur mais elles sont toutes la résultante d’un fort sentiment d’injustice de personnes exploitées et/ou oppressées, d’un besoin vital de se faire entendre et d’une volonté d’acquérir quelque chose pour améliorer leur sort ou pour éviter de perdre ce qu’elles possèdent déjà de précieux.

Le parallèle avec d’autres luttes, rassemblements ou manifestations contemporaines de France est très vite fait par le lecteur vivant qui y vit. Pour ne citer qu’un exemple : le mouvement des Gilets Jaunes. Juste avant de quitter la France continentale début mars 2022, j’ai eu une discussion, qui n’a pas duré longtemps tu verras pourquoi, avec une personne au sujet de ce mouvement. La personne en question était une jeune fille, entre 25 ans et 30 ans mais pas tout à fait 30 ans, jeune cadre dynamique qui travaillait à l’époque pour un grand cabinet de conseil (style McKinsey). Je me souviens avoir été choquée par son discours intransigeant envers les Gilets Jaunes à coup d’arguments qui semblaient tous sortir d’une de ces chaines de télévision à vomir et surfant sur les peurs pour se faire de l’audience : « Ils foutaient la merde partout », « ce ne sont que des fainéants qui ne veulent pas travailler », « moi je travaillais toute la semaine et je ne pouvais pas profiter tranquillement de mes week ends parce qu’il fallait faire attention à ne pas aller dans certains endroits parce qu’il y’avait une manifestation » etc etc . J’ai oublié de préciser. Cette fille vivait en plein Paris dans le quartier de Bastille. Moi aussi d’ailleurs. On retrouve de tout partout ; en voici une preuve.

Il est très facile de s’accrocher aux expériences négatives et oublier tout le reste (c’est même assez bluffant comment le cerveau adore faire ça). Oui il y’a eu des choses déplorables pendant ces manifestations : de la violence envers des biens, envers des gens, des black blocs, des LBD à n’en point finir ; certains yeux ne s’en sont pas remis etc. Mais il est quand même curieux de ne pas voir qu’au delà de toute cette violence et cette confusion il s’agissait juste d’un peuple qui en avait ras le bol (et pas que de l’augmentation du prix de l’essence). Curieux ou égoïste? Ces manifestations ont été l’expression de leur envie d’avoir accès aux droits essentiels que tout citoyen mérite dont le droit à la dignité et à une vie qui ne se résume pas à travailler, travailler encore, compter ses sous, travailler à n’en plus finir et mourrir à la fin. Hum.. ça me fait penser à d’autres manifestations actuelles d’un coup. Celles contre la réforme des retraites peut-être?

Pour revenir au livre, si tu es curieux de découvrir ces trois histoires humaines d’une façon ludique à travers la BD et de en même temps réfléchir à cette notion universelle de Lutte, d’Activisme, d’Engagement communautaire, je te conseille ce livre touchant, révoltant et inspirant. Qui sait peut être qu’il déclenchera une fibre révolutionnaire en toi? 🙂

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