LemonBook : Ecotopia de Ernest Callenbach

« Trois états de la côte ouest des Etats-Unis – la Californie, l’Oregon et l’Etat de Washington – décident de faire sécession et de construire, dans un isolement total, une société écologique radicale, baptisée Ecotopia. Vingt ans après, l’heure est à la reprise des liaisons diplomatiques entre les deux pays. Pour la première fois, Ecotopia ouvre ses frontières à un journaliste américain, William Weston. »

J’ai repris mot pour mot le début du résumé de la quatrième de couverture pour commencer ma chronique ; ça fait une assez bonne introduction au livre et on est tout de suite plongée dans l’intrigue. Le roman s’articule autour des rédactions du personnage principal William Weston : qui sont soit des articles à destination du Times-Post où il décrit les aspects de la société écotopienne, soit des extraits de son journal intime où il aborde sans retenue son expérience d’Ecotopia.

Son journal intime est sans doute la partie la plus facile et agréable à lire par le coté récit initiatique. On peut y lire les échanges personnels entre William et les habitants de Ecotopia. Un certain voyeurisme nous pousse à continuer la lecture afin de savoir comment finiront les histoires de coeur de William. Mais ce sont, à mon humble avis, les passages du roman les moins instructifs. Par instructif j’entends qui fait naitre en toi une agitation viscérale ou cognitive propre à ces livres qui marquent et ont un impact sur ta façon de voir le monde ou de te voir toi.

Lorsque j’ai fini le livre, ma première pensée fut : “William Weston est un crétin”. Et je n’ai toujours pas changé d’avis. On le ressent tout au long des pages de son journal intime. C’est un américain imbu de sa personne, bourré de préjugés et macho. Il râle parce que les femmes d’Ecotopia semblent, au début, ne pas vouloir l’inclure dans leur monde de liberté sexuelle. On le voit tomber amoureuse d’une femme de ce pays et on devine que c’est sa liberté inconditionnelle et son non-désir de lui plaire qui le fait succomber. Il se permet donc de comparer les femmes d’Ecotopia aux femmes des États-Unis d’Amérique. Ces dernières seraient superficielles et perpétuellement dans un ennuyeux jeu de séduction qui fait peser de nombreuses attentes sur les hommes. Evidemment, il s’en moque maintenant. Le tout présenté sous le prisme de l’homme moderne qui a enfin compris que son monde a toujours été vain et qui revendique de plus en plus de l’authenticité. Bien sur, William Weston change au sein de la société ecotopienne. Heureusement d’ailleurs sinon ce serait un con, pas un crétin. Il s’adapte et accepte leurs habitudes si différentes des siennes. Mais la fin du livre, et je ne gacherai pas ta future lecture, montre qu’il est resté toujours l’égoïste du début. Bref, William Weston est un crétin. Et on ne va pas plus s’attarder sur lui.

Attardons nous plutôt sur ses articles au sujet de la vie en Ecotopia. Verdict : je m’y verrai bien y vivre. C’est sur avec quelques petites difficultés au début. Mais leur point de départ pour toute prise de décision qui est de maintenir un système à l’équilibre correspond à l’idée que je me fais d’un futur agréable dans lequel nous pouvons tous vivre. En Ecotopia, la perpétuité du vivant (hommes, animaux, plantes, arbres, océan, terre, montagnes etc etc) est l’objectif final. Qu’importe que cela occasionne une crise économique par exemple. Plutôt perdre de l’argent que de perdre notre planète Terre. Cette ligne directrice acceptée de tous donne lieu à des innovations technologiques et sociales surprenantes. Tellement surprenantes que j’en suis venue à chercher sur Internet si c’était vraiment faisable.

En Ecotopia, on travaille peu mais efficacement. Vingt heures de travail rémunéré par semaine. ils utilisent leur temps libre pour d’autres types de travaux : les arts, la musique, du travail pour leur communauté. Ou ils passent du temps ensemble, à ne rien faire comme mentionné dans le livre :

En Ecotopia, hommes et femmes ont cette aisance naturelle propre aux animaux. Au Cove, ils restent longtemps allongés et détendus, pelotonnés par terre ou sur un canapé, étendus au soleil sur de petits tapis ou des nattes, presque comme des chats. Ils s’étirent, changent de position, font de mystérieux exercices proches du yoga, et semblent jouir avec intensité de leur corps.

Un autre exemple : en Ecotopia, le plastique est biodégradable, pour de vrai. Il peut se réutiliser comme engrais. Rien n’est gaspillé. Je ne vais pas tout dévoiler de ces innovations, qui sont l’intérêt même de ce livre donc je m’arrête ici.

Mais ce pays n’est pas parfait. Malgré leurs prouesses au niveau écologique et leur connexion retrouvée à la nature, le pays n’a pas réussi à abolir les frontières entre races qui étaient présentes aux États Unis. On découvre une séparation raciale voulue par les noirs. Aussi, l’égalité hommes-femmes semble atteint au niveau légal, politique, intime mais malgré tout on perçoit une acceptation des stéréotypes du genre qui m’a interloqué. Je te laisse découvrir par toi même et en juger.

Pour être totalement honnête avec toi, j’ai fini déprimée après cette lecture. On se rend compte, pour peu qu’on soit sensible à la question écologique, qu’il suffirait d’un peu de volonté de nos dirigeants et d’empathie collective pour qu’on puisse tous vivre sur une Terre apaisée, qui respecte le vivant et qui a à coeur d’offrir un meilleur cadre de vie à la population. Il va sans dire que les décisions à prendre pour arrêter de vivre à crédit sur les ressources de la planète seront difficiles. Difficiles pour les humains contemporains dans cette société capitaliste, consumériste et individualiste. Un changement de paradigme créé par l’empathie nous ferait comprendre que posséder cent paires de chaussures pendant que tant de personnes vivent dans la faim est complètement vain. Ou de penser profit, profit, profit quand notre planète meurt à coup de recherche de profit.

Une fois qu’on, en tant que collectivité, pense ainsi, les décisions politiques radicales mises en place pour freiner la dégringolade ne seraient pas contestées. Ces décisions nous permettraient par exemple d’arrêter de produire autant de déchets parce que tout est fait pour nous faire consommer, jeter, consommer encore et encore. Mais pour qu’il y’ait changement de paradigme collectif, il faudrait que des actions concrètes soient déployées pour cette nouvelle éducation. Mais pour cela, il faudrait que nos politiques le souhaitent. Comment pourraient ils le souhaiter quand eux mêmes bénéficient de cette société capitaliste, consumériste et individualiste? Voilà pourquoi j’ai fini déprimée après la fin de cette lecture. C’est le serpent qui se mort la queue.

Déprimée mais inspirée. Inspirée d’essayer de poser des actes en adéquation avec cette nouvelle façon de voir la vie. Inspirée d’essayer de vivre dans une sorte d’Ecotopia personnelle où posséder n’est pas ce qui nous grandit en tant que personne et nous rend meilleur.

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