Aujourd’hui, on m’a dit que j’étais aigrie. Ça m’a vexé. Beaucoup.
Pas parce que c’était vrai. Mais parce que c’était faux. Je n’ai pas su me défendre. Je n’étais pas en état. Moi aigrie? Jamais. En colère oui. Souvent.
Comme une adolescente mal dans sa peau qui rumine après coup ce qu’elle aurait pu balancer à la figure de la peste de l’école, me voici devant mon ordinateur à faire tout pareil. Je ne me défendrai pas devant mon accusatrice de ce matin. Je préfère le faire devant tous ceux et celles qui passeront ici lire mes mots.
Aujourd’hui, j’étais colère et fatigue. Au bord des larmes. J’ai eu envie de crier à me casser la voie. J’aurais du. Les conventions sociales d’adulte sont si étouffantes. Je me suis donc tue. J’ai souri, j’ai parlé, j’ai fait ma part d’interaction sociale. Avec plus ou moins de succès. Plus moins que plus. Mon « aigreur » m’a très vite rattrapé.
Je pianote sur mon clavier, des mots, des mots. Et je réalise que je ne suis pas prête à cracher le morceau. A expliquer pourquoi j’étais si triste et en colère.
Aujourd’hui, je me suis sentie vulnérable.
Aujourd’hui, j’ai saigné. Et parce que ce monde n’est pas un monde de femmes, j’ai du me cacher une fois dans les bois, une deuxième fois derrière une voiture pour enlever un tampon.
Aujourd’hui j’ai saigné. Et j’ai du regarder constamment l’heure , effrayée par le terrible syndrome du choc toxique. J’ai saigné et j’ai eu mal au bide de devoir expliquer mon besoin d’avoir accès à des toilettes. Ou de justifier mon inconfort et mon mal être.
Aujourd’hui je n’ai pas été moi. Je me suis cachée. Mal dans ma peau, effrayée. Quelle horreur! J’aurais eu envie de faire tant de choses mais aujourd’hui j’ai saigné et les jours rouges, je me sens limitée dans ma transcendance. Je vis en ayant tout le temps conscience de ce sang qui coule, de cette gêne entre mon entrejambe, de cette tache rouge qui pourrait apparaître. D’ailleurs, je ne porte pas de couleur claire. Il ne faudrait pas que la tache se voit trop. Ce sera du noir, du violet, du marron, du sombre quoi. En prévision de cette tâche qui ne vient jamais et qui reste ma hantise. Comment veux tu que j’innove, j’invente, j’analyse, je rêve, je solutionne, j’existe en tant que personne qui pense quand mon esprit est obnubilé par ce sang? Ils mentent dans les pubs.
Aujourd’hui j’ai saigné et j’ai détesté être une femme. Seulement aujourd’hui. Promis! Pardon. À moi, à vous, aux femmes. Mais aujourd’hui j’ai saigné. Je n’étais pas aigrie, j’avais mes règles.
