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  • Petits poissons

    Le ventre rempli de femmes, d’hommes, d’enfants et autres engins motorisés ou non, le ferry s’avance péniblement, se laissant ballotter au gré de la houle, vers son cap : l’ile de Moorea. C’est une journée exceptionnelle. Un événement s’y tient. Le ciel semble de connivence. Il fait beau, le ciel est bleu et dégagé. On peut apercevoir de loin le sommet des monts de l’ile.

    A l’intérieur du ferry, l’agitation des jours qui resteront gravés dans la mémoire est de mise. Parmi le flux habituel de locaux et de touristes à la recherche de dépaysement et d’authenticité sur cette petite ile, se trouvent des hommes et des femmes ayant un tout autre but : dépasser les limites de leur corps dans une course à la nage et à pied. Sur 35 kilomètres pour certains et sous le soleil oppressant de Moorea. Le ferry et sa cargaison jetteront l’ancre dans quelques minutes. A l’annonce de son arrivée imminente, l’excitation monte parmi nos Aito. Dans quelques minutes, leur volonté de continuer malgré les jambes lourdes de fatigue à force d’enchainer les kilomètres à la course ou les bras engourdis par la nage sera mise à l’épreuve. Il ne faudra pas lâcher. Plus que la condition physique, le mental est déterminant dans cette course. On les sent surexcités, fébriles mais contents.

    Moorea nous ouvre ses bras ; le ferry vient d’arriver. Le début de la course est pour bientôt. Nos champions doivent sauter du ferry et parcourir 500 mètres à la nage dans l’océan Pacifique. Ils sont fous.

    La foule s’agglutine sur le pont du ferry pour les voir accomplir l’impossible, à nos yeux. Les cris d’encouragement émergent de ces tribunes improvisées. Des phrases d’admiration aussi. Quelque soit l’issue de la compétition pour eux, ils auront chacun d’entre eux le respect venant de nous pauvres mortels restés sur le pont. Le respect pour avoir oser, pour avoir essayer. Des demi-dieux? en fait non. Il n’y a rien de plus humain que de vouloir se transcender et aller au delà de ce qui est possible, pour soi et pour les autres.

    Le signal est donné. Sous le ciel bleu de Moorea et sous la protection des Dieux de la nature, un banc d’un tout nouveau genre de poissons se dirige doucement vers la rive à la recherche d’un trophée. L’aventure ne fait que commencer.

  • Mes matins sont les plus beaux

    Tahiti

    Si je me lève assez tôt, au lever du soleil, je peux assister à un bien charmant petit spectacle : l’arrivée des poules.

    Attends! je sais que mon histoire ne paie pas de mine comme ça mais reste un peu. Imagine.

    Imagine une petite maison rose, l’air un peu vieillot mais pittoresque. A l’entrée, un arc de feuilles de passiflore d’où pendouillent des fruits de la passion à portée de main orne la devanture. Derrière cet arc, se trouve une terrasse en bois vieilli. Elle a du en voir passer des gens cette terrasse. Rajoute à notre tableau une foret de cocotiers, de bananiers, de tulipiers du Gabon et d’autres espèces que je ne n’ai pas la prétention de connaître. Assieds toi maintenant sur le canapé de la terrasse pile en face de la foret et regarde.

    En face de toi, laisse toi bercer par le balancement des arbres de la foret au contact du vent. Un peu plus loin, en tournant légèrement la tête à droite, laisse toi hypnotiser par le bleu de l’Océan Pacifique à l’horizon. Et juste à portée de regard à ta droite, un jardin, terrain de jeux de toute une basse-cour. Cette petite maison a de drôles de colocataires : des humains qui y dorment la nuit, un chat qui fait le chat toute la journée, des poules et un coq qui s’y installent du lever au coucher du soleil.

    A Tahiti, les poules sont sauvages. Elles dorment dans les arbres et font des vols planés. Il fait encore un peu sombre quand la première poule arrive de l’arbre là-bas. Puis, petit à petit, pendant que le ciel nous fait don de ses nouvelles couleurs en dégradé de rose et bleu et que le jardin se pare des lumières du lever du soleil, elles arrivent toutes, progressivement, de partout. Un chant de coq se fait entendre tout au loin dans la foret, suivi par un autre qui provient de la maison. Gilbert le coq de la maison est là.

    Les poules se sont déjà mises au travail : trouver à manger. Les oiseaux chantent. Les bourdons s’activent autour des fleurs de passiflore. La nature se réveille et toi dans ton canapé aussi à son rythme.

    Mes matins sont les plus beaux n’est ce pas?

  • LemonBook : Tout le monde peut être féministe de bell hooks

    Une discussion très récente avec un ami m’a fait réaliser qu’il manquait un élément contextuel à ma recommandation de livre ,essentiel pour prendre certaines fois du recul. Je vais y remédier. bell hooks, de son vrai nom Gloria Jean Watkins était une intellectuelle, universitaire et militante afro-américaine née dans les années 50 dans une ville du Kentucky (état avec un fort passé esclavagiste) aux USA. « Feminism is for everybody » en version originale et en français « Tout le monde peut être féministe » a été écrit en 2000 et publié en France que 20 ans plus tard par les éditions Divergences.

    Ce que j’apprécie le plus dans l’écriture de bell hooks, c’est sa démarche scientifique dans son argumentation. Elle pose en premier les bases de sa réflexion. Elle définit toujours ce qu’elle compte développer dans les centaines de pages qui suivront. Dans “tout le monde peut être féministe”, qui est un essai pédagogique et vulgarisateur du féminisme, elle propose dès le début une définition de la chose.

    Le féminisme est un mouvement qui vise à mettre fin au sexisme, à l’exploitation et à l’oppression sexistes

    J’ai faite mienne cette définition. Elle correspond à ma vision du féminisme dans l’idée qu’elle n’oppose pas les femmes aux hommes; mais elle nous oppose collectivement au sexisme. Le sexisme est une attitude discriminatoire fondée sur le sexe. Il est la conséquence de l’organisation patriarcale de notre société qui est fondée sur la croyance que le sexe masculin serait supérieur au sexe féminin. Le féminisme est une révolution dont l’objectif final est d’éradiquer le sexisme de nos pensées, de nos actes, de notre société et de mettre fin à toute supériorité d’un sexe par rapport à un autre. Mais aussi à l’idée que le plus fort serait supérieur au plus faible, que le riche aurait plus de droits que le pauvre, que le parent aurait tous les droits sur l’enfant etc etc. N’oublions pas que le patriarcat est intimement lié à la notion de dominant-dominé.

    J’ai plusieurs fois demandé à mon entourage leur définition du féminisme. Toutes les réponses étaient plus ou moins les mêmes : « le féminisme c’est pour la cause des femmes », « le féminisme c’est pour que la femme soit l’égale de l’homme ». Il y’a du vrai. Elles reprenaient toutes plus ou moins la définition popularisée du féminisme : doctrine visant à promouvoir et atteindre l’égalité entre hommes et femmes. Je la considère incomplète au regard de ma conception du féminisme. Voir le féminisme à travers le prisme de l’égalité hommes-femmes à l’échelle de la société a été un formidable tremplin pour obtenir des victoires politiques et citoyennes parlantes et visibles de tous pour les femmes. Ces luttes ont notamment permis aux femmes d’acquérir le droit de vote (en 1944 en France). Quelle incroyable avancée se fut pour la femme de pouvoir devenir une citoyenne à part entière et savoir que son avis et sa voix compte dans l’organisation politique de son pays. Mais force est de constater que malgré ce droit de vote, les femmes continuent d’être faiblement représentées dans l’arène politique. En France, les femmes constituent 52% de la population mais seulement 37,26% des députés sont des femmes à l’issue des législatives de 2022. Une autre grande avancée pour le féminisme et les droits des femmes de France a été en 1966 de pouvoir travailler sans le consentement des maris. Mais, en 2019, le revenu salarial des femmes en France était inférieur de 22% de celles des hommes en moyenne. Pour ces deux exemples, une certaine égalité a été atteinte au niveaux des droits mais dans les faits, les inégalités persistent. Parce que le sexisme persiste. 

    Présenter le féminisme uniquement comme une doctrine visant à promouvoir et atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes n’a malheureusement pas amené à une révolution sociale mais plutôt à des solutions réformistes superficielles qui ont, certes, conduit certaines femmes à atteindre l’égalité avec les hommes mais au détriment d’autres femmes et hommes moins privilégiés. Qu’une femme devienne première ministre a été énormément applaudi par de nombreux médias comme une avancée de la cause féministe. Mais en quoi est ce une réelle avancée quand cette femme promeut une réforme des retraites dont les principales victimes seront des femmes parce que nous vivons dans une société profondément sexiste et que les femmes sont toujours lésées dans le milieu du travail et économiquement? Cette vision du féminisme est pratique pour établir des statistiques d’avancée de la situation entre hommes et femmes mais a échoué à réaliser un vrai travail de fond sur notre conception sociale des sexes pour abolir le sexisme.

    Ne pas opposer les femmes aux hommes dans la définition théorique du féminisme n’efface en aucun cas la participation des hommes, en tant qu’acteurs ou complices, à cette oppression sexiste des femmes. Le patriarcat suppose la supériorité des hommes. Cette supériorité implique une relation de dominant/dominé qui est visible dans toutes les organisations sociales et est devenu la norme. Les hommes étant les grands gagnants du patriarcat, les dominants, il n’en est rien étonnant que la majorité soit aveuglée par cette prétendue domination et ne veuille pas d’une société plus juste. Face aux oppressions capitalistes et/ou racistes, certains hommes ne peuvent exercer leur supériorité que sur les femmes. Nous avons grandi dans une société qui valorise le concept de compétition et de la loi du plus fort. Il faut être le plus fort, le plus beau, le plus intelligent, le plus riche, le plus puissant pour se sentir accompli. Il est néanmoins rassurant de constater que cette vision de la vie est de plus en plus remise en question par la jeune génération. Mais, certains résistent et donc s’opposent au féminisme, participent et militent ardemment pour l’exploitation et l’oppression sexiste des femmes. 

    Mais, il faut reconnaitre et accepter que les hommes sont aussi des victimes du patriarcat et du sexisme. J’ai grandi avec deux grands frères. J’ai été témoin et je le suis toujours de la pression mise sur eux pour être les hommes de la famille, les pourvoyeurs, les garants de la survie de leur famille, les plus forts physiquement et mentalement. L’impact du sexisme sur les hommes n’est en aucun cas comparable à celui que subit les femmes mais il existe. Le féminisme en tant que lutte contre le sexisme a aussi pour ambition d’aider les hommes à ETRE selon leurs propres termes.

    Les hommes sont sexistes et aussi victimes du sexisme. Il en est de même pour les femmes. les femmes peuvent aussi contribuer à perpétuer une politique patriarcale. Tu en as déjà eu un exemple plus haut. Comment en aurait-il pu être autrement? Nous sommes des êtres sociaux et vivons dans une société patriarcale. Seul un miracle aurait pu épargner les femmes du poison qu’est le sexisme systémique. 

    bell hooks le rappelle au début de son livre :

    Pour mettre fin au patriarcat (qui n’est qu’une autre façon de nommer le sexisme institutionnalisé), nous devons affirmer clairement que nous participons toutes et tous à la perpétuation du sexisme, du moins jusqu’à ce que notre esprit et notre coeur soient transformés, jusqu’a ce que nous abandonnions la pensée et l’action sexistes pour les remplacer par la pensée et l’action féministes.

    Elle nous amène de façon simple et directe en 166 pages (écrites en gros) à réfléchir sur le féminisme et son implication dans la vie quotidienne, intime et publique : la sororité, l’éducation, le féminisme et la lutte des classes, le féminisme et le travail, le féminisme et la parentalité, le féminisme et le couple etc etc

    C’est la première fois que je recommande un essai donc je me permets une petite précision. J’ai quelques fois été dubitative sur certaines phrases de ce livre. Ceci m’a emmené à avoir une réflexion et à travailler mon esprit critique. Et heureusement d’ailleurs qu’un livre n’ait pas le monopole de ce qui est vrai. J’ai justement apprécié le fait de pouvoir lire des idées avec lesquelles je suis d’accord la plupart du temps et d’être capable quand il le fallait d’exercer mon esprit critique. Mais ces désaccords n’enlèvent rien à la qualité de cet oeuvre et au message qu’elle nous délivre.

    Comme écrit sur la couverture, c’est un petit guide du féminisme à mettre en toutes les mains (très bonne idée de cadeau) et à garder à proximité de son lit pour se réaligner de temps en temps 😉

  • « Tu ne te maquilles pas? »

    En mai dernier, je suis retournée en Côte d’Ivoire, 21 mois après ma dernière visite. Toute ma famille y vit. Ça fait long je sais. C’est aussi l’avis de maman. Les expatriés savent très bien ce que ça signifie : au programme des vacances, le traditionnel tour pour dire bonjour aux tanties et tontons. Maman a quand même eu la gentillesse de me laisser une journée de repos pour me remettre du décalage horaire et aussi, soyons honnêtes, pour qu’elle puisse profiter toute seule de son bébé de 30 ans qui est de retour. Mais dès le lendemain, on attaque!

    C’est tombé un samedi. A Tahiti, ce sont les coqs qui te réveillent au lever du soleil. A Abidjan, ce sont les bruits des casseroles des maisons à coté, témoignant de l’effervescence dès 6h de la ville qui se réveille. Il faut croire que j’étais la seule personne en vacances dans le coin. Le rendez-vous avec la première tantie avait été pris pour 11h-11h30. En prenant en compte les embouteillages, un départ pour 10h se prêtait bien à l’emploi du temps. Il me fallait à peine 30 à 45 minutes pour me préparer tranquillement sans me presser et me laisser le temps de rentrer dans l’agitation environnante. J’étais large. Maman ne le voyait pas ainsi. Ses regards insistants pendant que je prenais mon petit déjeuner en lisant dans le calme le plus absolu indiquaient sans ambiguïté que ma nonchalance n’était pas à son gout. Moi je l’observais dérouler son rituel de préparation : prendre sa douche, choisir une tenue, la faire repasser, l’essayer, ne plus l’aimer, choisir une deuxième tenue, la faire repasser, la porter. A 9h, elle était à l’étape maquillage quand j’ai décidé de m’activer. En moins d’une heure, j’ai annoncé : « Je suis prête! On peut y aller! »

    Mon histoire commence là. 

    Elle m’a regardé de haut en bas, l’air de ne pas comprendre. J’étais pourtant habillée : un top blanc à manches courtes bouffantes, ma petite jupe noire passe-partout et mes chaussures roses de chez Miista. J’avais mis des bagues, des boucles d’oreille, un petit collier bohème : bref tout ce qu’elle me reprochait de ne pas porter à une période de ma vie quand elle voulait que je sois plus « féminine ». Du coup, c’était quoi le problème? Puis d’une voix un peu hautaine, le regard rempli d’incompréhension et de déception, elle m’a balancé l’air de rien : « tu es prête comme ça? tu ne te maquilles pas? » En cet instant, je me souviens avoir senti mon cœur battre plus fort, mes narines frémir et une colère sourde grandir en moi. Mais, mes lèvres se sont à peine entrouvertes pour répondre un timide « non, je ne me maquille pas ». Je n’avais pas envie de me disputer avec elle après tout ce temps loin.

    Mais, comment ça je ne me maquille pas? Je me suis mise du crayon dans les sourcils çà compte pas? Qu’est ce qu’elle veut? Que je me rougisse la bouche au rouge à lèvres? Ou que je me badigeonne le visage avec du fond de teint? Ou que je me fasse un regard de biche avec le mascara? Qu’est ce qui ne va pas avec mon visage pour qu’elle veuille à ce point que je ne l’expose pas en public tel qu’il est, nu et sans artifice? Surtout avec cette chaleur.

    Elle n’avait pas non plus envie de se disputer. Nous avons pris la route.

    Doute

    Comme des millions de femmes, j’ai développé dans les débuts de ma vie d’adulte de l’acné. J’ai difficilement appris à vivre avec mon visage défiguré par les boutons puis à accepter mon visage et ne plus le qualifier de défiguré et finalement à l’aimer avec ses cicatrices, témoins de ce passé acnéique. Avoir un visage marqué par l’acné ne remet plus du tout en question ma confiance en moi et mon bien-être mental. Ces cicatrices font partie de qui je suis et je n’ai pas à les camoufler. Surtout quand je n’en ai pas envie et qu’il fait chaud à faire couler le fond de teint. Du moins, c’est comme ça que je vis la chose la plupart du temps. Sauf ce fameux jour où ma mère m’a replongé, sans le vouloir, dans une profonde insécurité. Ce sont les personnes aimées qui nous font le plus mal (Venant d’une autre personne, je n’aurai pas été si blessée au point d’en faire tout un article de blog). Et si mon visage était vraiment moche? Et si c’est juste moi qui m’y suis trop habituée? Et si elle avait raison et qu’il fallait que je fasse un effort de camouflage?

    Malheureusement, je n’ai pas trainé toute cette remise en question qu’une journée. Elle m’a suivi pendant une semaine environ me faisant passer du doute à la colère puis à la reprise de confiance en moi. Et rebelote. J’ai ressenti de la honte aussi. Honte d’avoir été aussi réceptive à ces petits commentaires sur mon apparence et d’avoir balayé en une fraction de seconde tout le travail d’introspection qui m’a amené à être en paix avec mon visage non maquillé. Honte d’avoir eu ce moment de faiblesse où je me suis retrouvée à errer sur le site web de Sephora pour trouver un compromis entre ne pas trop se maquiller ( je fais un raccourci entre se maquiller et se mettre du fond de teint. Je sais. ) et en faire suffisamment pour faire paraitre ma peau aux autres comme parfaitement unifiée. Dans ce moment de tristesse et de doute, j’ai aussi été tentée d’acheter des vêtements en ligne alors que je n’en ai pas besoin. Juste pour passer le temps et pour m’accorder une sorte de satisfaction éphémère à l’idée d’acquérir une nouvelle chose pour le plaisir ponctuel que ça apporte : surconsommation. Je suis fière de ne pas avoir céder. Mais il est intéressant de constater avec quelle facilité je me suis tournée vers l’achat compulsif pour détourner mon esprit de ce moment difficile plutôt que de le surmonter…

    Je n’ai rien acheté sur Sephora. Aucun fond de teint, ni BB crème, ou CC crème. Pendant que je parcourais les nombreux choix de fond de teint essayant de saisir quelque chose à tout ce jargon et me demandant comment faire un choix, j’ai réalisé être entrée dans un gouffre d’ennui : je m’emmerdais. Mais à un point. Je ne trouvais aucun intérêt à savoir quelle couvrance ce fond de teint m’apporterait ni des bienfaits pour ma peau si je prends cet autre produit. Le maquillage n’a jamais été une passion. J’ai toujours eu la flemme de le faire et d’apprendre à le faire bien. Contrairement à d’autres personnes qui ont un véritable amour pour la chose. Comme toutes les adolescentes à Abidjan, j’ai eu ma phase gloss brillant gout fraises ou autre. Et c’est tout. Puis jeune adulte vivant à Paris, je suis passée à l’étape au dessus avec le rouge à lèvres et l’eye-liner de couleur. Mon acné et mon envie d’affirmer ma féminité comme les copines m’ont conduit vers le maquillage un peu plus poussé : le fond de teint. J’en ai essayé pas mal : du dream mat mousse au Double Wear Estée Lauder en passant par la bb crème teintée de Kiehls. J’en suis devenue accro petit à petit. Je ne me voyais plus sortir sans cette couche teintée de camouflage qui pour être honnête ne cachait pas grand chose. Mais elle me donnait juste l’impression d’être plus belle dès l’instant où j’avais posé ce filtre Snapchat.

    Jusqu’au déclic. Il est venu d’une amie : Marianne. Nous étions chez elles à discuter entre femmes. Et elle a dit quelque chose qui ressemblait à ça :

    je ne vois pas pourquoi je m’imposerai de mettre quelque chose sur MON visage juste parce que les autres pensent qu’il le faut.

    Cette parole a résonné en moi et me suit depuis lors. Je me suis sentie con. Putain, elle avait entièrement raison et j’étais du même avis. Pourquoi je m’impose ça alors que je déteste le faire ainsi que toutes les contraintes qui y sont liées : les taches sur les vêtements, le sentiment de ne pas se reconnaitre au démaquillage, le sentiment d’imposture au réveil non maquillée et surtout la perte de temps? Je passais du temps (pas beaucoup certes mais quand même) à me maquiller, me démaquiller, à chercher quel nouveau produit acheter sans apprendre quoi ce que soit ni prendre de plaisir à le faire. Tout ceci n’était pas en phase avec qui je suis. Je me sens plus vivante et plus confiante en prenant du temps pour l’écriture que pour le maquillage. Une partie de ces lignes ont pris vie parce que j’ai fait ce choix. Cette façon de penser m’a aussi réconcilié avec mon acné. Après avoir perdu des centaines d’heures à lire des articles sur comment m’en débarrasser plutôt que de prendre ce temps pour me nourrir intellectuellement et spirituellement, je me suis enfin libérée de toutes ces contraintes et me suis tournée vers ce qui me faisait me sentir vraiment belle, intérieurement et pour de vrai.

    Alignement

    Quatre jours après l’histoire que je vous ai raconté, il y’a eu un acte 2. Encore plus ridicule que l’acte 1. Cette fois, j’allais à cinq minutes à pied de la maison pour des tresses quand maman m’a déclaré ne pas comprendre mon entêtement à ne pas mettre de fond de teint. Je sais pourquoi je ne me maquille pas. Je m’en suis souvenue. Mais, pourquoi ma mère est si obsédée par le fait que je ne me maquille pas? 

    Il y’a tellement de raisons qui amènent les femmes à se maquiller de nos jours. Celles qui se maquillent le font par plaisir, pour réveiller leur fibre artistique, pour se redonner confiance en elles (l’association Joséphine à Paris utilise le maquillage et les soins pour redonner confiance en elles aux personnes fragilisées en leur permettant de retrouver une place au sein de la société et de reprendre le pouvoir sur leur vie). Le maquillage peut aussi être utilisé comme une arme politique de lutte pour revendiquer le droit des femmes à disposer de leur corps comme elles l’entendent à l’instar des Afghanes qui ont vu leurs droits leur être retirés à l’arrivée des Talibans au pouvoir. Se maquiller est parfois une affirmation de soi et un acte féministe. Certaines se maquillent aussi pour (malheureusement) être conforme aux injonctions qui imposent aux femmes d’être toujours belles pour plaire, particulièrement aux hommes. Ce dernier point me fait penser au témoignage d’une amie proche me racontant subir une pression de sa mère pour qu’elle se maquille et prenne soin d’elle afin de maintenir la flamme dans son couple, la menaçant même d’un risque de voir son compagnon la quitter car se laissant trop aller… Une étude de l’Ifop menée en 2020 nous révèle que 46% des femmes de plus de 65 ans en France voient comme du laisser-aller le fait de ne pas se maquiller en public. Ma mère et la mère de mon amie ne vivent pas en France mais elles correspondent à la tranche d’âge et surtout semblent penser pareil. Serait-ce donc ça? Juste une énième tentative de ma mère de m’orienter vers ce qu’elle pense être bien pour moi? 

    Je ne rejette pas le maquillage. Loin de là. Au final, je m’arrange les sourcils, avec plus ou moins de succès, quand je vais au travail. Des fois, je me mets du rouge à lèvres pour réveiller mon visage un peu terne, parfois parce que j’en ai envie dans une démarche d’affirmation de soi. Je ne mets pas de fond de teint ; il fait chaud à Tahiti et flemme. J’en mettrai probablement à nouveau mais je n’en vois pas l’intérêt dans ma vie quotidienne. Le maquillage a été ma solution pour me sentir bien pendant ma période acné jusqu’à ce que je me sente assez forte mentalement pour ne plus en mettre et m’accepter. Passer par l’étape maquillage a permis mon évolution et a été l’expérience qui m’a fait comprendre que je devais travailler sur autre chose pour être sure de moi. Parce que la solution maquillage ne fonctionnait plus pour moi. 

    Au final, comme dans tout, l’essentiel c’est d’être en adéquation avec soi. 

    Celles qui ne se maquillent pas ont une pression sociale ou familiale soi-disant qu’elles se laissent aller. Celles qui se maquillent sont critiquées de tricher avec leur apparence ou de ne penser qu’à ça. La grande question c’est quand est ce qu’on arrête d’emmerder les femmes au sujet de leur visage, leur corps, leur sexe? 

    Mais ce sera pour une autre fois si tu veux bien.                    

    Bonne journée/Bonne soirée

  • La Belle Epoque

    Tu te souviens toi de cette époque-là?

    Celle sans écrans.

    Pas de lumière blanche qui nous fait plisser les yeux, vaincus par l’éblouissement. Les yeux pas fatigués d’avoir été maltraités.

    Notre regard avait comme terrain de jeu un champ à perte de vue. Maintenant, il doit se contenter de carrés et rectangles de lumière.

    Les yeux grand ouverts capturant tout ce que le ciel peut avoir de beauté. Les sens aux aguets, curieux de tout ce qui nous environne.

    Moi, je ne m’en souviens plus. Mais elle me manque cette époque.

    Peut-être qu’un jour ça me reviendra. Et espérons que je n’irai pas la conter sur mon portable.

    Bonne journée

    PS : nouvelle résolution : réduire mon temps d’écran

  • Tout le monde déteste Lundi

    Tout le monde déteste Lundi.

    Le pauvre; il aura beau tout faire ça n’y changera rien.

    Des fois il s’amène tout ensoleillé. On le déteste moins, mais un peu quand même.

    Le pauvre; il a beau tout essayé mais toutes les semaines quand il revient, il a droit à des yeux cernés, des cerveaux embrumés, des visages tristes.

    Le pauvre; il n’a qu’à pas se ramener tout le temps avec Travail! 

    Il n’a pas le choix, oui je sais.

    Le pauvre; j’ai peut être une piste pour lui : se faire aussi accompagner par les souvenirs heureux de Samedi et Dimanche.

    Randonnée de Vaitavere – Punaauia, Tahiti

    Bon lundi à toi

  • Le pays des cons

    Comment ça va?

    Ici tout est parfait. Le ciel est bleu, le soleil est au zénith, les oiseaux chantent.

    J’ai eu des nouvelles de chez vous -là. Il parait qu’en France des cons ont à nouveau court-circuité l’Assemblée Nationale et la démocratie pour ne pas mettre en danger une réforme impopulaire. Il parait même que ces cons ont utilisé une méthode autorisée par les lois de cette même démocratie. C’est con quand même.

    Certains cons, des nouveaux, sont complètement déroutés que « Au nom de Jesus » ait été clamé par un dégénéré syrien avant de poignarder des enfants. Tu comprends d’habitude c’est « Allahou Akbar ». En plus, il a la peau mate, un keffieh et une barbe. Le monde à l’envers pfff.

    Pendant ce temps, d’autres cons font de la récupération politique de cette tragédie. Attends, c’est quand même évident : le coupable c’est l’immigration. Donc, dehors les étrangers! Ils nous volent notre travail et tuent nos enfants! C’est ça de ne pas voter pour l’extrême-droite.

    J’allais oublier. Nos premiers cons (on en revient toujours), eux trouvent ça décalé de débattre de leur action anti-démocratique alors que la France entière est sous le choc. Quelle indécence tout de même de vouloir le respect de la séparation des pouvoirs et que les députés puissent faire leur travail!

    J’ai mal à la tête. Je ne te parlerai pas des cons de chez Bolloré. Je sature.

    En tout cas, au pays des cons, on ne s’ennuie jamais. Malheureusement.

  • LemonBook : En lutte de Fabien Toulmé

    L’histoire commence avec notre auteur qui se rend à Beyrouth. Initialement pour un salon du livre et de la BD et il s’avère que ce dit-salon a été annulé à la dernière minute. Pour une excellente raison : la Thawra, une révolution qui a eu lieu au Liban en 2019. Fabien Toulmé s’y rend donc tout de même et décide de vivre une partie de ce moment historique (?) pour le pays et de le documenter à travers des témoignages d’individus, acteur ou spectateur de la révolution. Ces observations au Liban soulèvent énormément de questions en lui : qu’est ce qui pousse les gens à entrer en lutte? Quels sont les points communs entre les luttes à travers le monde? Quelle leçon peut-on en tirer même en cas d’échec?

    Nous le suivons ainsi pendant les 330 pages de cette BD, essayant de répondre à un questionnement global par l’étude de parcours et de situations spécifiques, du Liban avec la Thawra, au Benin avec Chanceline et son combat féministe en passant par le Brésil avec la communauté du Porto de Capim. Ces luttes n’ont pas le même déclencheur mais elles sont toutes la résultante d’un fort sentiment d’injustice de personnes exploitées et/ou oppressées, d’un besoin vital de se faire entendre et d’une volonté d’acquérir quelque chose pour améliorer leur sort ou pour éviter de perdre ce qu’elles possèdent déjà de précieux.

    Le parallèle avec d’autres luttes, rassemblements ou manifestations contemporaines de France est très vite fait par le lecteur vivant qui y vit. Pour ne citer qu’un exemple : le mouvement des Gilets Jaunes. Juste avant de quitter la France continentale début mars 2022, j’ai eu une discussion, qui n’a pas duré longtemps tu verras pourquoi, avec une personne au sujet de ce mouvement. La personne en question était une jeune fille, entre 25 ans et 30 ans mais pas tout à fait 30 ans, jeune cadre dynamique qui travaillait à l’époque pour un grand cabinet de conseil (style McKinsey). Je me souviens avoir été choquée par son discours intransigeant envers les Gilets Jaunes à coup d’arguments qui semblaient tous sortir d’une de ces chaines de télévision à vomir et surfant sur les peurs pour se faire de l’audience : « Ils foutaient la merde partout », « ce ne sont que des fainéants qui ne veulent pas travailler », « moi je travaillais toute la semaine et je ne pouvais pas profiter tranquillement de mes week ends parce qu’il fallait faire attention à ne pas aller dans certains endroits parce qu’il y’avait une manifestation » etc etc . J’ai oublié de préciser. Cette fille vivait en plein Paris dans le quartier de Bastille. Moi aussi d’ailleurs. On retrouve de tout partout ; en voici une preuve.

    Il est très facile de s’accrocher aux expériences négatives et oublier tout le reste (c’est même assez bluffant comment le cerveau adore faire ça). Oui il y’a eu des choses déplorables pendant ces manifestations : de la violence envers des biens, envers des gens, des black blocs, des LBD à n’en point finir ; certains yeux ne s’en sont pas remis etc. Mais il est quand même curieux de ne pas voir qu’au delà de toute cette violence et cette confusion il s’agissait juste d’un peuple qui en avait ras le bol (et pas que de l’augmentation du prix de l’essence). Curieux ou égoïste? Ces manifestations ont été l’expression de leur envie d’avoir accès aux droits essentiels que tout citoyen mérite dont le droit à la dignité et à une vie qui ne se résume pas à travailler, travailler encore, compter ses sous, travailler à n’en plus finir et mourrir à la fin. Hum.. ça me fait penser à d’autres manifestations actuelles d’un coup. Celles contre la réforme des retraites peut-être?

    Pour revenir au livre, si tu es curieux de découvrir ces trois histoires humaines d’une façon ludique à travers la BD et de en même temps réfléchir à cette notion universelle de Lutte, d’Activisme, d’Engagement communautaire, je te conseille ce livre touchant, révoltant et inspirant. Qui sait peut être qu’il déclenchera une fibre révolutionnaire en toi? 🙂

  • Jamais 2 sans 3

    Oui, c’est mon troisième blog. Cinq ans après la fin, sans tambour ni trompette, du dernier. J’ai juste arrêté de publier. Inutile de rentrer dans les nombreuses raisons qui m’ont fait arrêter début 2018. Le premier article marque le renouveau. On ne va pas le gacher à ruminer le passé, en essayant d’expliquer le fait que la vie c’est un peu ça : on tente des choses, puis on les délaisse à cause d’autres choses qui ont à ce moment plus d’importance. Et des fois on en revient. Parce que la vie nous y ramène ou qu’on réalise qu’on n’aurait pas du abandonner ces choses là. 

    Il y’a quelques mois après une journée difficile au travail, ces journées où tu remets ta vie entièrement en question, une boule d’angoisse s’est installée pile dans la poitrine. La boule qui t’empêche de respirer et te fait monter les larmes aux yeux. Je me souviens avoir eu très très très envie de crier un bon coup pour exorciser le mal en moi. Ce que je n’ai pas fait, bien entendu : les normes sociales, tout çà tout çà. A la place, je me suis mise à écrire dans un geste désespéré. 2400 mots de rage. 2400 mots pour poser sur papier tout ce que j’aurais pu dire à mon copain, une amie ou un psy si je n’étais pas bloquée par cette peur d’être vulnérable devant l’autre. Et ça m’a fait un bien fou! Sur les conseils d’une amie, j’ai continué à écrire, un peu pendant le café matinal, quelques fois après le boulot à la plage. 

    Tu vois ce que ça fait lorsqu’on se sent aligné avec soi-même? lorsqu’on fait ce qui nous fait du bien et que par conséquent on est bien?

    Les idées se sont mises à fuser. J’ai réappris que ma créativité avait toujours été là mais dormante, ensevelie sous des couches de conformisme et de doute. Là voilà la raison de mon retour : mon besoin (vital?) d’écrire. Puis de les partager avec toi. En espérant que ces écrits déclencheront une conversation avec toi-même, avec moi ou d’autres. 

    Mais pourquoi un tout nouveau blog? Contrairement aux derniers, il n’y aura pas de mode ici. Désolé. Je finirai bien par t’expliquer la place que la mode occupe dans ma vie maintenant. Mais en attendant ce jour, retiens qu’elle est présente mais ne me suffit plus pour m’exprimer dans mon entièreté. Ici, il y’aura beaucoup d’écrits sur mes expériences passées et les leçons apprises, mes incessantes réflexions sur la vie et la société, quelques tentatives d’auteur avec des écrits intimes ou fantasques. Peut être des recommandations de livres, peut être un podcast à venir. Qui sait? Mais j’ai envie que l’écriture soit au centre de tout plutôt qu’elle serve à habiller le contenu comme avant.

    Samedi dernier, j’ai annoncé à un ami que je m’acharnais, depuis trois jours, à lire des articles de X versus Y pour comparer mes différentes options pour lancer un blog et que je n’arrivais toujours pas à trancher après tout ce temps. Sa réponse pour rire fut Skyblog (hahaha on se marre bien). Sa réponse sérieuse fut : « Franchement insta hein. Les gens ne vont pas/plus sur les blogs. ». J’en doute. Si tu m’as lu jusqu’ici, ça veut dire qu’il y’a au moins toi qui continue à visiter des blogs et à prendre le temps de lire. Et si ça se trouve, il y’en a plusieurs des comme toi. Cà te dit on lui montre qu’il se trompe? Dis moi en commentaire.

    Quelque soit votre nombre, merci d’être ici. Bienvenue.