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  • Chafouin

    Il y’a des jours comme ça où rien ne va. Le coeur est lourd et grincheux. On se sent oppressé. Il faudrait ne rien faire, se rouler en boule dans une chambre sombre et se gaver de séries Netflix cucul. Jusqu’à ce que ça passe.

    Ce n’est pas la fatigue. La nuit fut bonne et réparatrice. Au réveil on se sent en pleine forme. Tout va bien. Et 8h30 : le grain de sable qui fait dérailler la machine. Des bouchons. On peste et on peste.

    Mais on n’abandonne pas. On essaie des choses pour se remonter le moral tout de même. Un petit cadeau à soi : déjeuner seule avec un livre nouvellement entamé et prometteur. Mais après c’est pire! On s’en veut d’avoir quitter ce moment de paix et d’être retourné dans un bureau. L’après midi passe et on se sent toujours pas content. Pas fâché on vous dit. Juste pas content.

    Mais bon sang il se passe quoi? Ah.. peut être un truc. On vous a dit qu’on a eu 30 ans récemment? Non? Et vous saviez vous qu’à 30 ans, le corps se met à dysfonctionner d’un coup? Les problèmes de digestion ça vous parle?

    Mystère résolu. Prenez soin de votre ventre et le moral vous remerciera. Sur ce, je vais boire de l’eau tiède avec du citron dedans.

    Bisou

  • Mon coeur

    Je ne peux détacher mon regard de l’océan. La beauté de cette dernière n’a que peu d’importance aujourd’hui. Ses rugissements arrivent à peine à attirer mon attention.

    La bas, dans l’océan, se trouve mon coeur. La seule chose qui compte dans cette immensité bleue.

    Mon coeur dompte les vagues. Il s’amuse.

    Parfois il disparait sous une vague. Je m’inquiète.

    Puis, il réapparait sur une autre. Je revis.

    Il y retourne. Le temps, pour moi, est suspendu au rythme de ses apparitions. Je contemple sa persévérance et mon être se remplit d’amour.

    Le revoilà qui revient à l’assaut d’une vague, le regard déterminé. Debout sur sa planche, je ne vois que lui.

    De fourmi subissant la colère des fonds marins, il se réincarne le temps d’une glisse, en Poséidon maitre des océans.

  • LemonBook : l’Odyssée de Pénélope de Margaret Atwood

    Etant moi même amateur de mythologique grecque , et ceci bien avant d’avoir vu Brad Pitt dans Troie, c’est surtout en premier pour la promesse d’un retour à ces mythes que j’ai été tentée de lire l’Odyssée de Pénélope (ou The Penelopiad, titre en anglais). Je me souviens encore de mon seul séjour en Grece où nous avions préféré l’histoire et les mythes grecs aux iles festives et autres plages paradisiaques. Nous avions parcouru en voiture le Peloponnèse en se remémorant les histoires de ces dieux jaloux, impulsifs, incontrôlables, violents, violeurs (qu’est ce qui ne tourne pas rond chez eux?) mais aussi des aventures et faits héroiques de demi-dieux et mortels aimés des Dieux.

    Ulysse est l’un d’entre eux. Ulysse, le rusé, le préféré de la déesse Athena, celui qui a eu l’idée du cheval de Troie dans l’Illiade (il se serait fait inspiré par Athéna elle-même), l’éternel voyageur. Ulysse semble toujours aux prises entre le frisson de l’aventure et le cocon familial auprès de Pénélope. Dans l’Odyssée, on peut suivre Ulysse pendant un périple de dix ans cherchant à rejoindre Ithaque. Il souhaite rentrer à la maison mais, en même temps, ne se fait pas prier pour profiter de son voyage qui s’éternise. Pendant ce temps, sa femme Pénélope à Ithaque ne fait rien. Rien de marquant du moins. Elle attend le retour de son époux comme une bonne épouse. Elle fait et défait une toile dans le but de gagner du temps et de repousser le plus possible le moment où il faudrait qu’elle se choisisse un nouveau mari. Dans l’Odyssée, il est surtout question d’Ulysse. C’est lui qui est parti et qui a fait des choses incroyables. Pénélope est restée et n’a rien fait d’extraordinaire ; bien qu’on peut constater par la ruse de la toile qu’elle avait aussi de quoi rivaliser avec son mari en terme d’ingéniosité. Il n’empêche que de l’Odyssée, ce n’est pas ce qu’on retient en premier. D’ailleurs, je me souviens avoir eu de la peine pour Pénélope en lisant les péripéties du voyage d’Ulysse. Son mec partout les océans et couche avec une belle magicienne et une nymphe ; tandis qu’elle l’attend et doit lui rester fidèle.

    C’est là qu’intervient le livre de Margaret Atwood. Finalement, Pénélope, on dit qu’elle ne fait qu’attendre mais c’est surtout parce qu’on ne nous a pas raconté l’histoire selon son point de vue. Dans The Penelopiad (je préfère ce titre), Margaret Atwood nous livre l’histoire de Pénélope : sa naissance, son enfance, sa vie. Elle se permet aussi de nous livrer les pensées d’une Pénélope bien loin du cliché du mythe. Pénélope est rusée, acerbe, perspicace, quelque fois manipulatrice. Pénélope tient son destin entre ses mains pendant ces vingt années. Elle gère les affaires d’Ithaque et consolide le pouvoir d’Ulysse. Pénélope est tout sauf passive. Pénélope n’est pas parfaite : elle jalouse et envie sa cousine Hélène qu’elle tient pour responsable de ses malheurs tout en se comparant à elle constamment. Neuf fois dans le livre, j’ai compté, elle se compare à Hélène ou parle d’Hélène. Ce sont des passages que j’ai trouvé peu intéressants à la lecture et ne servant pas à l’histoire. Une femme qui jalouse une autre pour sa beauté, c’est « si patriarcat ». Mais peut être que l’autrice voulait nous le faire voir justement. Pénélope n’est pas un mythe ; c’est la femme des temps modernes, qui a aussi intégré le patriarcat en tant que norme sociale et donc a des pensées et attitudes non-féministes. Margaret Atwood ancre aussi Penelope dans la période contemporaine et dans notre réalité par sa façon de parler. Un peu dans le style de la mini-série Arte 50 nuances de grecs (que je vous conseille vivement). Au fond, ils sont comme nous tous ces gens des mythes. Comme disait Sylvain Tesson sur Homère et son oeuvre : “Homère a tracé un portrait de l’homme qui, jusqu’à preuve du contraire, ne s’est pas modifié, dans tout ce qu’il y a de plus héroïque et de plus lamentable”

    Une dernière chose. Cette fois-ci, je ne les oublierai pas. Qui ça? Les douze servantes. Tuées par Télémaque sous les ordres de son père. Comment ai-je pu passer à coté? Comment ai-je pu les oublier? Dans l’Odyssée, on les présente comme des femmes fourbes qui ont déshonoré leur maitre et ont trahi leur maitresse. Dans l’Odyssée de Pénélope, l’autrice leur donne une chance de faire récit de leur propre histoire et leur redonne une place dans notre souvenir. Elles interviennent par intermittence avec le récit de Pénélope dans une sorte de choeur. Elles nous racontent bien de choses. On comprend vite que leur sentence était prononcée depuis la naissance de par leur condition sociale :

    On nous disait sans mère. On nous disait sans père. On nous disait fainéantes. On nous disait sales. Sales, nous l’étions. La saleté, c’était notre affaire, notre domaine, notre spécialité, notre tare. Nous étions sales, salaces. Si notre maitre, un noble de passage ou leurs fils désiraient coucher avec nous, pas question de refuser. Inutile de pleurer, inutile de geindre.

    Une fois adulte, tout était de leur faute :

    C’est la faute aux servantes! Des trainées, bêtes et méchantes! Qu’on les pende et vilipende – C’est la faute aux servantes!

    En suivant la tradition de l’écriture d’Homère, Margaret Atwood nous enchante de poèmes résonnants comme des chansons et nous fait voir dans notre imagination ces jeunes filles sur une scène de comédie/drame musical. Elle nous amène à nous pencher sur ce qui s’est passé ce jour là où douze jeunes servantes ont été pendues. Quelles vérités se cachent derrière cette scène macabre?

    Je vous invite à les découvrir en lisant l’Odyssée de Pénélope.

  • C’est quoi le luxe?

    Refuge Te Faaiti

    Le luxe c’est se trouver dans les entrailles de Tahiti entourée d’une nature à la beauté envoutante ; les montagnes qui nous dominent, la végétation luxuriante.

    Le luxe c’est se laisser bercer par le bruit d’une cascade et d’y ressentir sa force.

    Le luxe c’est les papillons qui virevoltent autour, les criquets qui chantent, les moustiques qui piquent et sucent.

    Le luxe c’est sentir les gouttelettes de pluie contre son front et avoir l’impression d’être la plus chanceuse au monde.

    Le luxe ce n’est surtout pas des dorures, des parures, un hôtel cinq étoiles.

    Le luxe c’est se réchauffer auprès d’un feu tout en contemplant le ciel rempli d’étoiles.

    Le luxe c’est surtout d’être avec celui qu’on aime.

  • Pourquoi Lemon Sorbet?

    Petite révélation pour commencer : le blog a failli s’appeler Salsifis ou Pineapple ou Coconut Water… Bref, tout un tas de noms plus ou moins farfelus. Et pourtant ça partait plutôt bien. Le site était conçu, le premier article rédigé, les idées de contenu sur un mois trouvées, j’étais prête. Il manquait juste le nom. Donc le plus important n’est ce pas? Qu’est ce qu’un blog/site internet sans nom? Je le voulais parfait et en phase avec la ligne directrice du blog : un lieu d’expérimentation, de réflexion et de partage dans et par l’écriture. Mon endroit à moi, ma “chambre à soi”. Oui, comme le titre du livre de Virgina Woolf. Ce fut ma première piste avec : My room, The cozy room, The velvet room (qui existe déjà et fait référence à un site érotique en allemand pour ceux que ça intéressent) et d’autres dont je ne me souviens plus.

    J’ai aussi essayé de trouver un nom en lien avec mes réalisateurs préférés. Première inspiration : the French Dispatch de Wes Anderson. Dispatch qu’on peut traduire par dépêche en français serait bien passé avec l’idée du blog tu ne trouves pas? Un truc comme : The intimate dispatch ou The private dispatch. Non c’est nul en fait.

    Et voilà comment la prise de tête commença. Plus je m’efforçais de trouver un nom parfait, moins j’étais inspirée. Je n’arrivais pas à lacher prise. Comment décrire cette obsession? C’était comme être à quelques mètres de finaliser cette chose qui me tenait tant à coeur et de ne pas pouvoir franchir la ligne d’arrivée. Juste pour un nom. L’idée de me remettre au blog me torturait depuis quelques semaines et maintenant que j’en avais eu le courage, trouver un nom semblait être devenu la tache la plus difficile à accomplir. Comment aurais-je pu continuer à vivre ma vie si je ne cochais pas sur ma to-do list la tache “créer un blog”?

    Le plus déroutant c’est que je savais. Je n’étais pas dans le déni. Je savais que cette obsession de la perfection pour une chose aussi peu importante , dans le fond, n’était pas saine pour moi et pour mon processus créatif. Mes réactions et pensées ne suivaient pas le raisonnement logique que je pouvais avoir. Cette dissonance rendait le tout encore plus douloureux.

    Il fallait réagir! Dans ce cas, adieu le nom parfait. Soyons impulsifs. N’importe quel nom fera l’affaire pourvu que je passe à autre chose et me sorte de cette spirale de recherches Google “comment trouver un bon nom pour votre blog?”. C’est ainsi que le blog a presque failli s’appeler Salsifis (en hommage au roi Burgonde dans Kaamelot!!!). Mais, à ma grande surprise, et heureusement, un site avec ce nom existait déjà! Retour à la case départ. J’en profite pour remercier mon copain qui a du donner son avis sur pas mal de noms foireux tout de même.

    L’idée de Lemon Sorbet m’est venue à un moment où j’avais vraiment lâché prise. Sans forcer. Je n’avais pas abandonné l’idée d’avoir un blog mais j’avais d’autres sujets en tête. Le nom m’est venu en conduisant. Sherbet Lemon en anglais/Citron Sorbet en français est le nom du bonbon préféré de Dumbledore et un des mots de passe d’accès à son bureau dans la saga Harry Potter.

    Ce n’était pas le nom parfait selon mes critères du début : aucun lien avec le pourquoi du blog, aucune signification cachée, pertinente, profonde, artistique qui serait si bien passée au moment d’expliquer le nom du blog. Mais finalement, quoi de mieux qu’un nom inspiré d’un des premiers livres que j’ai lu enfant et qui a eu un impact si fort dans ma relation avec la lecture et par extension l’écriture?

    Un rappel de plus qu’il est bon de lâcher prise.

    Bienvenue sur Lemon Sorbet, le blog.

  • L’oasis

    On se croirait en enfer. Ou du moins de ce que les Hommes en disent. Selon eux, c’est bientôt la fin de la saison humide. J’aime les écouter parler de tout et de rien. Ils parlent souvent de la météo d’ailleurs.

    Moi je suis bien là. Etalé sous un arbre, quelques rayons de soleil caressent mon corps et les feuilles qui s’agitent sous l’effet du vent me rafraichissent. Je ferme les yeux. J’écoute les bruits autour de moi : les engins bruyants qui amènent les Hommes d’un endroit à un autre, les oiseaux qui picorent l’assiette, les chiens qui aboient.

    J’ai soif. Pas besoin d’aller chercher de l’eau. J’en ai juste à coté de moi. Cet endroit est parfait. De l’ombre, de l’eau, de la nourriture. Mon oasis.

    J’y vais depuis bientôt un an. Au début, c’était par pure curiosité. Après un certain temps, la dame m’a remarqué. J’ai peur des Hommes. Ce serait trop long de vous expliquer la cause mais je m’en méfie. Va savoir pourquoi la dame s’est prise d’affection pour moi. Elle me laisse de la nourriture parfois quand je traine dans l’oasis. L’autre jour, j’ai ramené des copains pour en profiter. La dame s’est mise à faire des grands gestes en se rapprochant de nous. Sauve-qui-peut général. Les copains, aussi, ont peur des Hommes.

    La dame essaie de me toucher quand je mange. Je n’aime pas. Je le lui dis. Après ça, elle ne me laisse plus de nourriture pendant un moment.

    Entre nous, on parle des Hommes. On essaie de les comprendre. Ils suivent un tas de concepts. L’un deux est la reconnaissance. Je te donne quelque chose et un jour, en échange, tu me donneras une chose qui me fera plaisir.

    Je crois que la dame attend de la reconnaissance de ma part. Mais elle oublie un truc : moi, je ne suis qu’un chat.

  • LemonBook: Une si longue lettre de Mariama Ba

    Je suis convaincue que plusieurs d’entre vous connaissent déjà bien Une si longue lettre de Mariama Ba. Moi-même je l’avais lu quand j’étais au collège/lycée en Cote d’Ivoire. En Avril dernier, pendant mon séjour en France j’ai fait une petite razzia de livres féministes pour un projet à venir et je suis tombée sur ce livre. Mettons ça sur le compte de la nostalgie ; j’ai eu envie de me replonger dans cette longue lettre que l’héroïne Ramatoulaye écrit à sa meilleure amie Aissatou après la mort de son mari. Elle y relate ses bonheurs passés et présents : l’importance de l’école dans sa vie, ses souvenirs d’adolescente, sa rencontre avec son mari, ses enfants. Ainsi que ses malheurs et déconvenues.

    Et déconvenues il y’en a eu. A commencer par la trahison de son mari après vingt-cinq années de mariage, sa vie de femme mariée mais seule à s’occuper de 12 enfants, la mort de son mari, la surenchère des funérailles et l’attitude insensible de sa belle famille. La lettre de Ramatoulaye ne parle pas que d’elle. Elle nous dépeint la société sénégalaise et particulièrement dakaroise des années post indépendance et ses tentatives pour marier les idées modernes et occidentales à leurs traditions. Elle nous emmène avec elle découvrir les réflexions post indépendance de la jeune élite sénégalaise, le système de castes et ses conséquences, la cupidité qui gangrène la société, les superstitions et maraboutages. Elle nous révèle la condition des femmes au Sénegal de son époque, victimes et sacrifiées. Victimes de la société qui ne voit leur valeur qu’à travers un mari, victimes d’une mère prête à vendre sa fille pour gagner en statut social, victimes d’une belle-mère qui ne supporte pas de voir son fils lui échapper, victimes de maris qui se cachent sous des faux prétextes pour prendre une seconde épouse. Sacrifiées pour plaire à leur mari, à la famille de leur mari, à la société.

    Son histoire se passe au Sénégal mais je me souviens m’être plusieurs fois dit en lisant ce livre “ça ne m’étonne pas”, “j’en étais sure”. Pas parce que je l’avais déjà lu auparavant. Pour être honnête, j’avais oublié les détails de l’histoire. Elle ne m’était pas étrangère parce que reflétant des réalités visibles en Côte d’Ivoire. Le plus choquant a tout de même été de réaliser que ce livre a été écrit en 1979 mais certaines des histoires racontées sont toujours d’actualité. Une si longue lettre est un livre féministe. C’est évident. On peut ne pas être d’accord avec quelques déclarations du livre notamment quand Ramatoulaye dit :

    Point de mire de tant d’yeux, je pense que l’une des qualités essentielles de la femme est la propreté. La plus humble des chaumières plait si l’ordre et la propreté y règnent; le cadre le plus luxueux ne séduit pas si la poussière l’encrasse.

    Je ne suis pas d’accord avec l’association faite entre la femme et la propreté comme si une femme, tout particulièrement, se doit d’être propre et notamment pour pouvoir séduire…J’aurais dit que tout le monde doit l’être, homme et femme et c’est tout. Ou pas. On s’en fout. En tout cas, cette déclaration n’enlève rien au caractère féministe et dénonciateur de la condition des femmes du livre. C’est un roman qui pointe du doigt les discriminations de genre, les représentations claires de la supériorité des hommes sur les femmes dans les us et coutumes et l’exploitation des jeunes filles et femmes pour l’enrichissement personnel. J’ai aussi beaucoup reconnu ma mère dans le parcours de Ramatoulaye : jeunes filles intelligentes et éduquées, mères seules à s’occuper de leurs enfants, jeunes femmes indépendantes financièrement, mais qui sont quand même adeptes ou se plient à certaines des pensées sexistes de l’époque. Ce livre m’a fait comprendre un peu mieux ma mère. Malgré son attachement à des représentations sexistes surtout au niveau de l’intime (nous avons tous ancrés en nous des comportements sexistes du simple fait d’appartenir à la société patriarcale. Et c’est important de le reconnaitre pour s’en affranchir. L’idée est un peu plus détaillée dans l’article sur Tout le monde doit être féministe de bell hooks ici), ma mère, nos mères sont des féministes. La lutte ne pouvait se faire sur tous les fronts. Nos mères ont fait la lutte des droits des femmes, de l’éducation et de l’indépendance financière pour les femmes.

    Pour finir, une des choses qui m’a le plus touché dès la première page du livre, c’est l’esprit de sororité entre Ramatoulaye et Aissatou. Ramatoulaye nous y donne un indice du lien fort qui existe entre ces deux femmes :

    Notre longue pratique m’a enseigné que la confidence noie la douleur

    Ou encore un peu plus loin :

    L’amitié a des grandeurs inconnues de l’amour. Elle se fortifie dans les difficultés, alors que les contraintes massacrent l’amour. Elle résiste au temps qui lasse et désunit les couples. Elle a des élévations inconnues de l’amour

    Tout au long du récit, Ramatoulaye nous gratifie de déclarations d’amour envers l’amitié forte et solide qui existe entre elle et Aissatou; une amitié dans le bonheur et le malheur, une amitié qui ne cache rien et dévoile toute sa détresse à l’autre, une amitié qui ne juge pas et qui soutient. J’ai ressenti qu’à travers Aissatou, c’est une déclaration et une envie de réelle sororité entre les femmes que souhaite Ramatoulaye. Elle le dit à la fin :

    Mon coeur est en fête chaque fois qu’une femme émerge de l’ombre

    Elle nous rappelle la force de la solidarité. Une si longue lettre est une jolie lettre d’amour d’une soeur à une soeur dont l’écriture imagée et la tonalité chantante nous renvoient directement aux contes africains. Il se lit très bien et s’apprécie tout le long. Je le recommande.

  • Premier Vol

    Anciens compagnons du matin

    On les entend avant même de les voir. Tu savais toi que d’aussi petites choses pouvaient faire autant de bruit? Une chorale sonore de piaillements émerge de l’autre coté du jardin. Leur mère apparait en premier. Cinq petites boules de plumes bavardes la suivent. Ils sont là sur la butte à 2,50 mètres du sol. Il fait jour depuis un moment. Il est temps de rejoindre les autres déjà affairés à fouiller la terre à coups de bec.

    De là haut?

    Je sens que je serai bientôt témoin d’un moment important. Je me fais petite, je ne bouge pas, j’observe. La mère s’élance et en à peine un battement d’ailes atterrit dans l’herbe fraichement humide par la rosée du matin. Elle lève la tête vers ses petits et retourne vers eux.

    Je crois qu’elle leur apprend à voler!

    Montrant l’exemple une première fois, elle remonte vers eux pour les rassurer. Je les entends piailler encore plus fort. Ils sont maintenant tous au bord du précipice. Un poussin se pose sur sa mère quelques instants. Pour se donner du courage peut-être. C’est l’heure.

    La poule vole à nouveau et atterrit dans le jardin. Quelques secondes plus tard, le premier poussin d’un geste disgracieux, fragile mais déterminé s’envole vers sa mère. Pour la première fois. Un autre le suit. Puis deux autres en même temps. J’ai le coeur qui s’emballe de joie d’être spectateur d’un aussi joli moment.

    Mais il en manque un non?

    De là où je suis, je m’inquiète. Où est-il? Va t-elle l’abandonner là haut? Parce qu’il n’y arrive pas? J’interviens? Je me pose mille questions et d’un coup je vois débouler des fougères du haut de la butte jusqu’au sol notre petit dernier.

    Il n’a pas volé. Mais il a fini par atteindre son but : rejoindre sa famille. Il a réussi. D’une manière différente. La sienne.

    Bonne journée

  • Il s’y passe quoi là bas?

    Laissez-moi vous décrire une scène : 

    Elle se déroule dans une salle de réunion. Fermée pour signifier qu’il ne faut surtout pas déranger ou qu’il s’y cause de choses confidentielles. La salle est néanmoins ouverte aux regards curieux sur un de ses cotés. En face, une vue magnifique sur l’Océan Pacifique. Quatre personnes sont assises autour d’une grande table rectangulaire en bois et semblent intéressées par ce qui s’affiche sur l’écran en face d’eux. Tous ingénieurs en télécommunications : trois hommes d’une quarantaine d’années et une femme de trente ans. Ils discutent de choses techniques d’un projet en cours, propres à leur métier et dont il n’est pas nécessaire d’en dévoiler les détails. Un seul détail peut être : la femme est le chef de projet. Un de nos trois messieurs, disons Homme n°1 (appelons les comme ça sera plus simple) dans la salle interpelle les autres sur un sujet du dit projet. Homme n°2 tente d’y répondre, d’une façon un peu bancale et décousue. Ce n’est pas étonnant ; il découvre le projet. En même temps, une voix de femme essaie de se faire entendre. Peine perdue. Homme n°1 lui coupe la parole. Pour ne rien dire de plus en fin de compte. La femme essaie toujours de parler. Je vous ai dit que c’était le chef de projet? Si? ah bon d’accord. Continuons. Homme n°3 tente aussi une réponse parce qu’il semblerait que le but de ce jeu soit de parler même quand on n’en a pas besoin. Finalement, notre jeune femme finit par hausser la voix suffisamment pour faire entendre sa réponse. Qui est la bonne en passant. Et là vous savez ce qui s’est passé? Un d’entre eux a répondu : « En tout cas si vous avez envie de connaitre la réponse à cette question, je peux demander à Abdel de vous faire un topo là dessus ». Abdel. Un autre homme.

    Mais, qu’est ce qu’elle y connait cette femme à tout ça? Qu’est ce qu’elle vient de dire déjà? Quelqu’un l’a écouté? 

    Cette femme, c’est moi. J’ai 30 ans et je suis Ingénieure en télécommunications. J’ai étudié dans un environnement majoritairement masculin et dans le milieu professionnel, c’est souvent pareil. Cette scène est un exemple parmi tant d’autres du mépris que je peux ressentir souvent au travail. Est ce volontaire? Je ne sais pas. Est ce directement lié à ma personne? Je ne le pense pas. C’est malheureusement plus compliqué que ça.

    Un de mes collègues m’a fait part un jour du constat suivant. On sait tous qu’il y’a très peu de femmes dans les domaines scientifiques notamment ceux des technologies numériques et de l’information. Mais il s’interroge. Pourquoi le peu de femmes présentes finissent par s’en aller et prennent le chemin d’une autre profession loin de cette technicité? Je pense avoir la réponse.

    Commençons par le début. Dès le collège/lycée, de nombreuses études montrent que les filles s’orientent beaucoup moins que les garçons vers les classes scientifiques. D’après cette analyse de l’observatoire des inégalités de 2023, en France 64% des classes Option mathématiques et physique-chimie sont des garçons. Ce chiffre monte à 89% en classes Option Mathématiques-Informatique. Il faudrait tout un livre pour aller en profondeur sur les raisons qui amènent les filles à s’éloigner des classes scientifiques alors qu’elles ont tout autant les compétences pour. En résumé, cela provient d’un cliché sexiste qui a contaminé notre société et qui nous a longtemps fait associer les études scientifiques aux hommes et les études littéraires aux femmes. Tout comme le bleu c’est pour les garçons et le rose pour les filles. Même bêtise. J’entends déjà certains hurler à l’exagération : « Mais plus personne ne dit ça de nos jours!! ». Et bien sachez que, de nos jours, les idées sexistes ne s’expriment souvent pas à coups d’injonctions et d’interdictions directes. Ce sont des phrases lancées l’air de rien par un proche, ou des réflexions de cour de récré. Dans notre cas, c’est aussi du à une tendance à surestimer les études scientifiques et qui amènent des personnes en manque de confiance à s’estimer ne pas en être capable. Malheureusement, les jeunes filles sont très souvent à l’âge adolescent moins confiantes en leurs capacités que les jeunes garçons. Le faible pourcentage de jeunes filles dans les options scientifiques au collège/lycée a pour conséquence que seulement 30% de femmes composent les effectifs des écoles d’ingénieur toujours selon l’étude de l’observatoire des inégalités.

    Lorsque j’étais étudiante en école d’ingénieur, j’ai donné des cours de renforcement pendant une année pour me faire un peu d’argent. J’avais une élève en 1ere S. Une fois la méthodologie acquise, elle a pris confiance en elle et son niveau en Mathématiques s’est amélioré de jour en jour. Assez en tout cas pour prétendre à faire des études d’ingénieur. J’en ai discuté avec elle et  ça ne l’intéressait pas. C’est son choix. Il faut se lancer dans des études parce qu’on en a envie et non pour la simple raison qu’on en a les compétences. Mais, sa raison à elle m’a laissé sans voix.

    Malgré ses bonnes notes, elle ne se sentait pas légitime pour ce genre d’études et estimait que que c’était plus à la hauteur de son frère ainé… 

    Tout de même 30% de l’effectif est féminin. Donc des femmes qui travailleront dans des domaines scientifiques.  C’est peu mais quand même, elles existent. Nous existons. Mais il s’y passe quoi là bas? Je peux vous le dire. Elles font face là-bas, dans ces environnements masculins, à du sexisme, de l’égo démesuré ou une invisibilisation de leur travail et de leurs compétences. Au pire, elles finissent par perdre confiance en elles dans le milieu professionnel. Au « mieux », elles se sentent obligées de changer leur personnalité ou de développer certains comportements dits masculins pour se faire entendre et se faire une place dans cet environnement de compétition. Pour gravir les échelons, il faut croire que les femmes se doivent d’adopter ces attitudes. On demande aux femmes d’arrêter de s’excuser, d’élever la voix, de se faire entendre, d’être plus « combative » et acharnée. Elles doivent s’imposer et prendre la place. Et on ne leur permet pas tout le temps de la prendre, cette fameuse place. Toutes ces attitudes sont toujours valorisées de nos jours en dépit de tous ces nouveaux discours de bienveillance au travail. Welcome to the jungle a posté un article pertinent à ce sujet écrit par Laetitia Vitaud, autrice et conférencier sur le futur du travail dans lequel je me suis reconnue et qui m’a révélé que cette impression de baigner dans une dynamique malsaine d’égo et de « c’est moi le plus intelligent, c’est moi qui ait raison » était bien réel et vécu par bon nombre de gens/de femmes. Plus jeune, au début de ma carrière, j’ai moi même du « parler plus fort » quitte à être désagréable pour m’imposer et faire oublier aux autres que j’étais une jeune femme de 23 ans qui débute. Personne ne m’a demandé de le faire explicitement. Mais tu te rends vite compte en tant que femme dans un milieu masculin qu’il faut constamment lutter pour éviter de se faire couper la parole et pour être écoutée. De mi 2019 à mi 2021, je me suis éloignée de l’ingénierie des télécommunications et j’ai intégré une équipe de marketing à majorité féminine. C’est une expérience professionnelle à laquelle je repense avec une certaine nostalgie parce que j’y ai découvert un environnement de travail tourné sur l’écoute, la collaboration, l’amitié et la confiance. 

    Je n’aime pas les généralités. Je m’efforce d’être le plus juste dans mes propos. Je pense donc à rappeler que , heureusement d’ailleurs, ça ne se passe pas toujours comme ça, que tous les hommes ne sont pas comme ça dans les milieux professionnels masculins, que j’en ai connu, que certains milieux professionnels féminins peuvent être tout aussi toxiques etc etc. Mais, ce serait absurde de nier l’existence de ce phénomène pour la majorité des femmes en milieu professionnel masculin. On me les a contés et je les ai vécus. La scène décrite en préambule de cet article n’est que le dernier exemple marquant. Je pourrais en lister d’autres mais je me suis déja assez épanchée sur ce sujet auprès de mes proches. 

    Mi-juin, j’ai annoncé à mon manager ma décision de quitter mon poste. A la fin d’une journée de travail particulièrement éprouvante et pendant laquelle à plusieurs reprises, j’ai senti ne pas y avoir ma place et qu’on ne me laissait pas la prendre. Le déclencheur a été de me voir hésiter et douter de moi dans la réalisation d’une tache. Il y’a quelques années, j’aurais fait l’effort. J’aurais gueulé, insisté, forcé pour être vu comme leur égale. Mais j’ai besoin de paix. Je ne pars pas uniquement à cause de tout ce que je viens de vous décrire. J’ai besoin de temps pour moi avant tout, de faire le point, de vivre des aventures, de me reposer. Ce n’était jamais le moment pour une pause sabbatique. Tout ce que je viens de vous raconter a réussi à me convaincre que ça y est c’est le moment.

    J’ai démissionné et pour la première fois depuis la période des études jusqu’à ma vie professionnelle, je n’ai pas de plan défini pour la suite. Est ce que je reste dans l’ingénierie des télécommunications ou je me réoriente? A moi de décider. J’oscille entre l’excitation d’avoir la possibilité de me renouveler et entre la peur du vide. 

    De toute façon, je vous raconterai tout ça 😉

    Bisou

  • Que dire?

    Un policier a tué un adolescent de 17 ans en France pour refus d’obtempérer. Que dire de plus?

    Peut-être que je me sens horrible d’avoir eu pour première pensée en apprenant ce drame de vouloir me couper de tout ça, de ne plus suivre les nouvelles de France et du monde, de me recroqueviller dans ma petite vie privilégiée. Là où il fait beau, il fait chaud, « allons se baigner dans la mer et faisons comme si tout était parfait ». Fuir.

    Je me sens horrible d’avoir eu envie de ne plus ressentir cette angoisse terrible quand je me prends en pleine face les horreurs que les humains se font entre eux. Une énième déshumanisation. Qui semble toucher les memes profils. Souvent des gens qui me ressemblent.

    Les guerres, les violences, le racisme, les meurtres racistes, la destruction de la nature, les catastrophes naturelles, l’hyperconsommation, l’enrichissement incontrôlé et insouciant d’un petit nombre, l’appauvrissement des autres, la pauvreté, la famine, la manipulation politique, les discours de haine, les maladies, la déshumanisation. Oui, je me répète. Il en manque?

    Fuir. Mais pour aller où? Qu’on se le dise : personne n’y échappera. Aucune bulle ne sera épargnée. Nous sommes tous concernées/concernés et nous en paierons les conséquences. Que les privilégiés sachent, nous qui avons la possibilité de nier la réalité des autres et du monde, notre tour arrive.

    Que dire de plus? Mais tant de choses! Tout!